SOUPLESSES
Laboratoire textile
Issue d’une famille qui lui a transmis la passion du textile, la pratique sculpturale et protéiforme d’Elodie Antoine s’est naturellement construite autour de ce medium chronophage dans lequel elle a longtemps baigné, et dont elle apprécie la temporalité à la fois lente et régulière, contrastant le rythme effréné de notre époque.
En constante recherche, l’artiste cultive son art par l’apprentissage de techniques artisanales parfois tombées en désuétude comme la dentelle aux fuseaux, ou le feutre, et dans lesquelles elle s’infiltre, s’appropriant leurs usages qu’elle détourne pour mieux les contemporanéiser. Si les œuvres d’Elodie Antoine contiennent une dimension ludique et ambigüe, c’est que l’artiste aime à travailler avec les ambivalences, susciter l’étrangeté par un jeu de rencontres, exploiter les opportunités qui se tissent au fil de sa démarche, un point l’entraînant vers un autre. Les filaments de sa pensée prolifèrent, se contaminent et s’étendent pour former un réseau micellaire semblable à celui des champignons, organismes qui colonisent également son travail. L’artiste construit ainsi une esthétique organique aux multiples facettes savamment liées les unes aux autres, à l’image de cet étrange ballon de foot dont chaque hexagone est orné d’un téton de feutre rose.
L’artiste, qui aime exploiter l’in situ sur des lieux assez spécifiques portant les traces d’un passage, d’une présence (hôpital, chapelle) investit ici Chez Olivia de cette manière qui lui est propre, la prolifération. La galerie devient ainsi le siège d’une incontrôlable invasion de pleurotes en velours de soie dont les reflets s’irisent de différentes couleurs en fonction des heures de la journée, ou encore de cerceaux à broder sur lesquels s’étend du velours dévoré à l’acide- à moins que cela ne soit par de petits vers ?- dévoilant ainsi le voile récupéré par l’élimination des poils. La description même des œuvres d’Elodie Antoine convoque une poésie organique, acide et fascinante, ingérable et dévorante.
Elodie Antoine met ainsi en place une sorte de lexique de formes personnelles, fonctionnant en autonomie, alimenté par une myriade de recherches, de croquis, de dessins, feuillant un codex à la fois étrange et beau, inquiétant et familier. L’ensemble de ses œuvres déploie un réseau souterrain dans lequel l’artiste circule librement, approfondissant une galerie, déviant un tunnel pour en creuser un autre, et dans lequel nous sommes amenés à déambuler, voire à nous perdre…